La Violette
Au milieu des jardins Français
Avec leurs couleurs disparates,
Toutes les fleurs ont je ne sais
Quelle allure d'aristocrates,
Toutes cherchant à flatter l'oeil,
Se jallousant dans leurs manières,
Ne mettent leur suprême orgueil
Qu'à se piquer aux boutonnières.
Oeillets blancs de l'Armorial
Epinglés aux fracs des soirées,
Muguets, lilas, roses qu'au bal
Des marquises ont arborées !
Vous, les étoiles des massifs,
Vous, les mondaines orchidées,
Vous, des politiques pensifs
Les emblèmes et les idées.
Fleurs d'habits ou fleurs de salons,
Malgré tout vous êtes pareilles
Puisque après Messieurs les frelons
Vous faites risettes aux abeilles !
Auprès de seigneurs comme vous,
Frêles lis, ai-je l'air coquette ?
Des petits bouquets de deux sous
Je ne suis que la violette.
Pourtant je suis à la fureur
La patriote Cocardière
Moi, favorite d'Empereur
Et j'ai le droit d'en être fière !
Au printemps, sur les grands chemins,
Lorsqu'un de nos régiments passe,
On me voit dans toutes les mains,
Je ne peux rester en place,
Sur les lèvres de tous ces gars
Qui marquent le pas en cadence,
Avec le régiment je pars
Au bruit de nos chansons de France.
Je suis la fleur du Souvenir
Dont jadis se paraient les Reines
Lorsque César devait venir
Dans leurs demeures souveraines,
Comme nos princes bien aimés,
François-Charles, Louis-Eugène,
Je suis née aux jours parfumés
Du mois de Mars qui me ramène.
Ils sont tombés à leurs vingt ans
Les héritiers du grand Empire,
Aussi, vers la fin du printemps,
En souriant, comme eux, j'expire.
Mais vienne le gai Prairial,
Séditieuse et prophétique,
J'étends mon voile impérial
Sur le sol de la République !
Et, préparant votre retour,
O Prince de notre espérance,
Je vous fais l'hommage d'amour
Des bonapartistes de France
La poésie politique reproduite ci-dessus provient de la "bible" de Jean de Servières qui est devenue quasiment introuvable ( "Aigles, Violettes et Abeilles, poèmes napoléoniens" ), éditée par la Société des Publications Littéraires Illustrées (1910). Le "barde" napoléonien rappelle les grands symboles bonapartistes et notament la Violette que l'on décline en poésie ou dans des estampes.